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Les Echos n° 19332 du 19 janvier 2005 • page 26

Innovation

  

 

 Une carte maritime tactile pour les non-voyants 

 

« Cela peut paraître étrange, mais c'est très sérieux. » Mathieu Simonnet est conscient du caractère surprenant de son thème de recherche : la conception et la réalisation d'une carte maritime numérique tactile pour permettre une navigation en voilier à... des non-voyants. « L'ambition n'est quand-même pas de les faire naviguer en solitaire, concède le thésard, par ailleurs responsable d'une association faisant naviguer des déficients visuels, mais de permettre à un mal-voyant de tenir n'importe quel poste dans un équipage. Même celui de navigateur. »

Réalisée dans le cadre du Centre européen de réalité virtuelle, cette recherche ne fait que commencer, mais plusieurs points ont déjà été vérifiés. Les études ont notamment montré que la vue n'est pas primordiale pour bien barrer ou même se repérer en mer. Un mal-voyant peut, grâce à de simples balises sonores, comprendre sa situation sur le plan d'eau. Limites de cette méthode : le placement reste imprécis, et demande surtout une intense et épuisante concentration au navigateur handicapé.

L'idée est donc de mélanger signaux sonores et informations tactiles. Mais le braille n'étant maîtrisé que par 20 % des non-voyants, une autre solution devait être envisagée : l'apport d'une carte numérique que la personne peut consulter grâce à un système à retour de force, manette ou gant. Les avantages de la réalité virtuelle sont indéniables puisqu'elle permet, avec cet équipement couplé à un positionneur par satellite, de placer directement le bateau sur la carte et de réaliser, par exemple, des effets de zoom sur les parties intéressant le navigateur.

De la mer à la ville

Reste à savoir quelles sont les informations (courants, vitesse, bouées, profondeur...) à donner en tactile, et celles à fournir en audio. « D'autant que, selon les conditio ns de mer, cet ordre de priorité peut changer : un son, très pratique par petit temps, ne sera peut-être plus très audible si la mer et forte », précise Mathieu Simonnet, coskippeur l'an dernier, avec un aveugle, d'un voilier de la régate Transmanche.

Chez Ceccia, société spécialisée dans l'accessibilité pour les déficients visuels, cette recherche est suivie de près, et même soutenue financièrement. Un de leurs projets, un système de navigation assistée en milieu urbain, pourrait bénéficier des travaux réalisés à Brest : « Certains des problèmes sont les mêmes, explique Gilles Candotti, le directeur général de Ceccia. Comment, par exemple, restituer une information qui va pouvoir être comprise en situation ? » La navigation en mer est cependant plus simple qu'un déplacement en ville : les signaux GPS passent mieux, et les obstacles sont beaucoup plus espacés. « Notre apport est aussi de participer aux tests, ou de fournir notre savoir-faire dans l 'assistance vocale », poursuit Gilles Candotti. Avec, peut-être, dans quelques années, la commercialisation de solutions d'aide à la navigation, sur terre et sur mer.

 

C. A.