SeaTouch , un SIG pour les marins non-voyants.

Focus sur l’influence des référentiels spatiaux.

Mathieu Simonnet, IRENav, Lanveoc.

Lors de la navigation, agir et se situer nécessitent le plus souvent de coordonner les perceptions directes avec les représentations indirectes fournies par les cartes géographiques. Alors que les perceptions in situ sollicitent immanquablement la référence égocentrée, les informations proposées par les cartes géographiques font conventionnellement appel à une référence allocentrée privilégiée : le nord. De nos jours, de nombreux SIG sont en mesure de gérer un affichage s’inscrivant dans l’un ou l’autre des référentiels.

Afin d’évaluer l’influence du référentiel de présentation des informations sur une carte dynamique, nous étudions le cas particulier de la cognition spatiale des marins non-voyants utilisant SeaTouch. Ce logiciel de simulation de navigation haptique et auditif nous permet de proposer à cinq marins non-voyants expérimentés de s'immerger dans un environnement maritime grâce à l'utilisation d'une interface haptique et d’un système de son spatialisé. Nous contrebalançons deux conditions : soit « la carte défile autour du voilier » (égo), soit « le voilier se déplace sur la carte » (allo). L’objectif est de mesurer la précision des représentations spatiales non visuelles sollicitées au cours de ces navigations virtuelles.

Après avoir consulté l’itinéraire à réaliser sur une carte haptique et auditive présentant le nord en haut, il est demandé à chaque participant de diriger le voilier virtuel autour de cette route composée de cinq segments délimités par six balises. En cours de simulation, au milieu de chaque segment de route, nous stoppons le voilier et demandons aux sujets d’estimer les directions respectives de trois balises de la configuration. Les sujets pointent alors les balises visées à l’aide d’un rapporteur dont ils imaginent qu’il est aligné sur le cap du voilier. Chaque triplet d’estimations donne lieu à une triangulation géographique où les aires des triangles obtenues nous renseignent sur la cohérence des réponses des sujets. L’analyse statistique ne révèle aucune différence significative entre les aires des triangles d’erreurs issues des conditions égo- et allocentrées.

A la suite de ces entraînements en environnement virtuel, la réalisation de la même navigation accompagnée des mêmes questions en environnement bien réel montre qu’il n’existe pas d’effet de l’une ou l’autre des conditions à l’échelle du groupe.

En conclusion, il semble que la présentation d’informations dynamiques selon l’un ou l’autre des référentiels n’influence pas particulièrement le repérage des marins non-voyants en cours de navigations. Lors d’entretiens post expérimentaux, certains participants expliquent que les deux conditions d’entraînements virtuels leur ont demandé de réaliser des rotations mentales. Plus précisément, en condition allocentrée, la direction du voilier ainsi que les réponses aux questions d’estimation se déroulent dans le référentiel égocentré. A l’inverse en condition égocentré, les sujets expliquent se remémorer régulièrement la carte consultée en début d’expérience se trouvant dans le référentiel allocentré. Finalement, il semble que ces deux conditions de présentation dynamique de l’information spatiale entraînent l’adoption de différentes « point de vue haptiques ».

Outre l’analyse des différences individuelles et l’augmentation du nombre de sujets, nous envisageons à l’avenir d’introduire au sein ce SIG d’autres navires aussi bien simulés que détectés dans l’environnement réel grâce aux systèmes AIS (Automatic identification System) et Navtrack[i]afin d’étudier les perceptions et représentations non visuelles des trajectoires relatives (égo) et absolues (allo) de ces mobiles.  



[i] http://www.ecole-navale.fr/NavTrack-systemes-d-acquisition-et.html